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Pas une année perdue pour les élèves… loin de là




L’enseignement en ligne a mauvaise presse… et pourtant, selon ceux qui le pratiquent au quotidien, on est aujourd’hui bien loin de l’expérience chaotique du printemps dernier. Il permet même à certains élèves de rattraper les retards accumulés, dans le calme de leur foyer.


« On est vraiment surpris de nos résultats. Dans les circonstances, on a réussi à faire des miracles », affirme l’ancienne directrice à la retraite et maintenant directrice de l’école virtuelle primaire du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), Isabelle Rouleau.


Selon un décret adopté à l’automne, les centres de services scolaire (anciennement les commissions scolaires) doivent assurer des services éducatifs à distance aux élèves vulnérables face à la COVID-19 (ou qui ont un proche vulnérable). Les élèves, qui fournissent un billet médical pour fréquenter l’école virtuelle, reçoivent un nombre minimal d’heures d’enseignement par des enseignants eux aussi vulnérables.


« On avait le choix : chaque école s’organisait ou on se regroupait pour offrir une école virtuelle pour toute la commission scolaire », raconte la directrice. Cette dernière option a été choisie au CSSDM, tout comme au Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys avec l’École virtuelle assistée (EVA). Les professeurs ont été formés, des ressources de soutien ont été mises à leur disposition et de l’équipement informatique a été fourni aux élèves qui n’y avaient pas accès. Ce sont 500 enfants qui fréquentent aujourd’hui l’EVA, et près de 700 l’école virtuelle du CSSDM.



Des craintes qui ne s’avèrent pas


Les écoles virtuelles mises sur pied sont donc des écoles à part entière, structurée et organisée. À l’école virtuelle du CSSDM, la journée est séparée en deux. Les matinées sont divisées en quatre périodes de 45 minutes chacune, et les élèves travaillent l’après-midi de façon autonome, le professeur restant disponible pour les aider. À l’EVA, les élèves ont un horaire fixe du lundi au vendredi.


« Ils évoluent dans leur développement et leurs apprentissages. Ce n’est pas du tout une année perdue ! » souligne Isabelle Guy, enseignante de première année à l’école virtuelle du CSSDM. Loin du chaos à géométrie variable des classes du printemps, on retrouve des groupes-classes, des enseignants, des services, des réunions. Les ratios professeur-élèves ont été revus à la baisse, et les outils technologiques, sélectionnés soigneusement et uniformisés. Des classes de tous les niveaux ont été créées, de même que des groupes pour élèves avec défis particuliers, et même des groupes d’accueil : « Il y a des élèves qui ne parlaient pas français à l’automne et qui étaient en mesure de le faire à Noël », souligne Josée Lapierre, directrice de l’EVA.


Libérés de la gestion de classe, les enseignants se concentrent sur les apprentissages. Pas de mitaines perdues, de déplacements entre les locaux, de discipline à faire ou de classe à nettoyer. Et pour certains enfants qui avaient de la difficulté à se concentrer dans les classes à cause des multiples distractions (un enfant qui bouge, un son dans le corridor), l’école virtuelle est avantageuse. Anita Rowan était réticente à l’automne, mais a été agréablement surprise : pour sa fille, qui présente divers troubles d’apprentissage et un trouble de l’autisme, l’environnement contrôlé et le contexte calme de la maison permettent même de rattraper certains apprentissages.


Les enfants, par ailleurs, font preuve d’une grande adaptabilité. « Nos élèves [de première année] n’ont connu que ça. Ils se parlent pendant la pause, développent une vie de classe », ajoute Isabelle Guy. La socialisation, une des compétences pour lesquelles on craignait le plus, semble donc bien se passer. Maryse Lauzier, enseignante de français et d’art dramatique à l’EVA, remarque quant à elle que les élèves de quatrième et cinquième secondaire, près d’obtenir leur diplôme, sont très motivés : « Les travaux sont remis, ils demandent des reprises. C’est exceptionnel ! »


Créer un sentiment d’appartenance envers une école qui n’a pas pignon sur rue n’était pas évident. « On a travaillé doublement fort », se rappelle la directrice Josée Lapierre. Mais les liens se tissent, même si personne ne se connaissait en début d’année. « La chimie se fait toute seule », constate David Croteau, qui enseigne la musique au CSSDM. Le fait d’avoir une fenêtre sur l’intimité de l’autre facilite la connexion et, même, fait comprendre le contexte d’apprentissage des élèves.



Des initiatives variées


L’école à distance force à développer d’autres façons d’enseigner et d’autres techniques. « Un des défis est de faire le tri dans tous les outils technologiques disponibles. Il faut aussi repenser comment on adapte l’enseignement dans toutes les matières », estime Karine Bourgeois, enseignante de sixième année au CSSDM. Exit les cours magistraux, sous peine de complètement perdre l’attention des élèves : marionnette pour capter l’attention des petits, concert de Noël transporté en virtuel, activités qui forcent les enfants à bouger un peu devant l’écran et qui intègrent des objets du quotidien ; pour les plus vieux, mini-quiz pendant les cours, jumelage d’enfants pour faciliter l’entraide. Toutes les solutions sont bonnes.


Les élèves ont aussi droit à des cours de musique, d’éducation physique ou d’art dramatique. « Ça ne sera jamais comme mettre les mains d’un enfant sur une guitare, mais il y a plein de possibilités », explique David Croteau. Celui-ci a trouvé une foule d’outils en ligne qui permettent aux jeunes de jouer avec des instruments interactifs ou de se promener dans la classe virtuelle qu’il a créée. Dans les classes d’art dramatique de Maryse Lauzier, on s’est tourné vers des projets de doublage et de tournage de scènes. Les jeunes ont appris à maîtriser les outils de montage, de vidéo, en plus de travailler les expressions faciales et l’écriture.


Tout ça demande bien sûr un investissement important de la part des enseignants, qui ne comptent plus les heures pour préparer les cours, mais qui se soutiennent dans cette nouvelle expérience. « Il y a un esprit d’entraide entre les professeurs, on est tous dans le même bateau », constate Emily Descoteaux, enseignante d’anglais à l’EVA.



Des expériences enrichissantes


L’école virtuelle, même si elle ne remplacera jamais l’école physique, pourrait rester sous une certaine forme, par exemple pour les enfants malades qui s’absentent de l’école durant de longues semaines, ou pour l’aide aux devoirs. Pour certains enseignants, l’expérience a été tellement enrichissante qu’ils envisagent d’en faire une carrière. « C’est tellement stimulant ! J’ai retrouvé ma passion de mes débuts », assure Mme Bourgeois.

L’école virtuelle est peut-être plus inquiétante pour les adultes que pour les enfants, finalement. « Pour les enfants, c’est leur vie d’être devant l’ordinateur. C’est plus difficile pour les parents », soupçonne Mme Bourgeois. « On doit rester motivés pour motiver les enfants, et ne pas être alarmistes. C’est bien la seule chose qu’on leur doit », conclut pour sa part M. Croteau.







Source: ledevoir.com

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